Monsieur Arbter, à lire le communiqué de presse de l'Association Suisse d'Assurances ASA, on pourrait penser que l’assurance complémentaire d'hospitalisation vient juste d’être réinventée. Qu’est-ce-qui est donc aussi remarquable ? L’assurance complémentaire d’hospitalisation indemnise simplement les coûts supplémentaires qui ne sont pas couverts par l’assurance de base.
Urs Arbter: Les assurances complémentaires d’hospitalisation actuelles remontent à l’époque de la création et de l’introduction de l’assurance obligatoire des soins (AOS), laquelle régit les prestations de base en matière de soins hospitaliers stationnaires pour l’ensemble de la population. C’était il y a une bonne trentaine d’années. Depuis, beaucoup de choses ont changé dans notre système de santé, ce qui se répercute aussi sur la tarification de l’assurance d'hospitalisation.

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« Avec ce corpus de règles, nous clarifions également les choses et établissons des critères uniformes et modernes en matière de tarification des hôpitaux et des médecins hospitaliers indépendants. »

Par exemple ?
Depuis l’introduction de forfaits par cas pour les interventions stationnaires, c’est la prestation effectivement fournie au patient qui est prise en compte lors de l’indemnisation et non plus la durée de son séjour à l'hôpital. Avec nos lignes directrices et leurs onze principes, nous concrétisons ce changement. Dorénavant, nous nous concentrons sur la plus-value qui peut être apportée à nos clientes et à nos clients au delà des prestations relevant de l’assurance de base. Ce faisant, nous mettons en application ce que l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma), laquelle surveille les affaires de l’assurance maladie complémentaire, mais aussi les personnes assurées attendent de nous : transparence et clarté des prestations supplémentaires fournies. Cela concerne quelque 2,4 millions de personnes en Suisse. Celles-ci investissent toutes sciemment et volontairement dans une assurance complémentaire d’hospitalisation en division privée ou semi-privée venant compléter les soins de base et, par conséquent, dans leur santé. Avec ce corpus de règles, nous clarifions également les choses et établissons des critères uniformes et modernes en matière de tarification des hôpitaux et des médecins hospitaliers indépendants.

En quoi consiste exactement cette clarification ?
Les lignes directrices comprennent des exigences minimales contraignantes et s’appliquent à chaque nouvelle convention d’assurance complémentaire d’hospitalisation passée à partir du 1er janvier 2022 entre les assureurs maladie et les fournisseurs de prestations. Les assureurs-maladie œuvrent depuis toujours en faveur de primes appropriées aux prestations. C’est également la raison pour laquelle, nous nous engageons pour une plus grande transparence des nouvelles conventions. Les personnes assurées attendent de nous de connaître avec précision les prestations supplémentaires auxquelles elles peuvent recourir en cas d’hospitalisation et le coût effectif de leur assurance complémentaire.

Les lignes directrices sectorielles des assureurs en maladie complémentaire

Le concept de mesures communes des assureurs suisses en maladie complémentaire comprend onze principes et des exigences minimales applicables aux prestations complémentaires.

Principe n°1
On entend par prestations supplémentaires, les prestations fournies par le prestataire considéré qui excèdent celles ressortant de l’AOS. Cette prise en compte intègre au besoin une vue de l’ensemble du marché afin de prévenir toute fausse incitation ou désavantage systématique.

Principe n°2
Les prestations supplémentaires diffèrent entre les fournisseurs de prestations et certains assureurs dans les catégories Prestations cliniques, Prestations médicales ainsi que Hôtellerie/Confort.

Principe n°3
Une prestation supplémentaire doit être convenue contractuellement et pouvoir être recensée, évaluée et utilisée.

Principe n°4.
Le catalogue des prestations supplémentaires élaboré par le fournisseur de prestations à l’intention de chaque assureur constitue la base de l’évaluation, du décompte et du contrôle des prestations.

Principe n°5
Les prestations supplémentaires médicales sont remboursées sur une base contractuelle plus claire - la prestation médicale selon l’AOS est indemnisée conformément aux tarifs applicables pour un traitement stationnaire ou ambulatoire.

Principe n°6
Chaque assureur détermine lui-même les critères qu'il applique lors de l’évaluation des prestations supplémentaires.

Principe n°7
Les prestations supplémentaires se définissent aussi par la valeur ajoutée qu’elles apportent au patient et pas exclusivement par les éventuels coûts supplémentaires qu’elles génèrent.

Principe n°8
Si des prestations supplémentaires équivalentes donnent lieu à des évaluations différentes, ces différences doivent pouvoir être justifiées avec précision.

Principe n°9
Les prestations supplémentaires sont généralement évaluées sur la base de paquets de prestations et non sur celle de prestations individuelles.

Principe n°10 :
Les assureurs indemnisent uniquement les prestations supplémentaires/paquets de prestations qui ont effectivement été fourni(e)s.

Principe n°11 :
Des innovations sont souhaitables dans le sens d’une plus grande utilité pour le patient. Les tendances comme le principe de « l’ambulatoire avant le stationnaire » laissent la voie ouverte à de nouveaux services à valeur ajoutée.

Cela fait longtemps que votre secteur promet transparence et clarté. Or, les choses semblent bouger seulement depuis fin 2020, c’est-à-dire depuis que la Finma a réclamé avec insistance un contrôle plus efficace...
La transformation systématique des conventions d’assurance complémentaire d’hospitalisation avec les fournisseurs de prestations est un processus de longue haleine qui a commencé dès 2017 dans certaines compagnies d’assurances. Une telle norme a nécessité des échanges fournis et de gros efforts au sein de la branche pour voir le jour. Du fait de la clarté de leur formulation, les attentes de la Finma ont sûrement largement contribué au fait que ce corpus de règles avec ses onze principes a pu être validé fin mai de cette année. Par ailleurs, cette annonce nette et précise a également été un signe adressé aux hôpitaux et aux médecins hospitaliers les incitant à revoir les fondements sur lesquels reposent les conventions passées avec les assurances complémentaires d’hospitalisation.

« Une chose est sûre : ces lignes directrices sont contraignantes en ce qui nous concerne et ne sont pas négociables. »

Avez-vous déjà des retours de la part des hôpitaux et des médecins hospitaliers ?
Oui. Nous avons organisé plusieurs réunions avec des représentants d’hôpitaux publics et privés pour leur présenter nos principes et leurs exigences minimales. Les médecins hospitaliers indépendants ont également pris part aux discussions. Les assurances complémentaires d’hospitalisation ne peuvent exister que dans le cadre d’un partenariat tarifaire d’égal à égal. Les différents acteurs du système de santé sont tous dans le même bateau. Seule une collaboration partenariale permet l’élaboration d'une offre de services nouveaux et de qualité pour les clientes et les clients communs, les patientes et les patients ainsi que pour les personnes assurées, services qui répondent aux besoins d’aujourd'hui et de demain.

En fin de compte, les onze principes consistent surtout en une solution sectorielle pour les assureurs en maladie complémentaire. Les hôpitaux vont-ils vraiment jouer le jeu ?
Je l’espère très sincèrement. Une chose est sûre : ces lignes directrices sont contraignantes en ce qui nous concerne et ne sont pas négociables. Au cours des discussions que j’ai pu mener avec des responsables hospitaliers, j’ai eu l’impression que le cadre défini offre la marge de manœuvre nécessaire aux deux partenaires tarifaires. Les fournisseurs de prestations ont la même compréhension des choses et les mêmes objectifs que les assureurs en maladie complémentaire. Personne ne peut faire l’économie de la transparence et de la clarté en matière de prestations fournies. L’argent est alloué uniquement en échange de prestations : plus d’argent implique davantage de prestations. C’est là que les fournisseurs de prestations et les assureurs maladie interviennent : ils doivent concrétiser les onze principes dans de nouvelles conventions. Il faut donc renégocier ces dernières. Il n’y a pas de temps à perdre, car les nouvelles conventions en vigueur à partir de janvier 2022 devront appliquer ce nouveau corpus de règles. Et les anciennes conventions devront être adaptées à ces nouvelles exigences avant fin 2024.

Et si cela n’était pas possible ? Que se passerait-il en cas de « vide conventionnel » ?
Si les fournisseurs de prestations et les assureurs maladie n’arrivent pas à se mettre d’accord, cela génère un vide conventionnel. Au cours des prochains mois, nous verrons bien si cela se produit et à quelle fréquence. Je pense qu’une telle situation n’est souhaitable ni par les hôpitaux, ni par les assureurs complémentaires.

Mais le cas peut se présenter ?
Tout à fait. Arrivera alors le cas de figure qui s’est déjà produit par le passé, à savoir qu’un patient ou une patiente devra alors payer de sa poche des prestations qui auraient été couvertes selon l’ancienne convention, mais qui ne le sont plus, car elle n’est plus applicable. Toutefois, ce scénario me semble très peu probable. Les assureurs maladie mettront tout en œuvre pour que leurs clients et leurs clients ne soient pas pénalisés, ou le moins possible, par un tel vide conventionnel et ils leur proposeront d’autres solutions.

Le projet de l’ASA portant sur des lignes directrices sectorielles est-il maintenant terminé ?
Pas tout à fait. Nous avons lancé dernièrement un projet complémentaire afin de clarifier au cours des prochains mois certaines questions encore en suspens. Par ailleurs, il faut aussi préciser le mode de décompte futur des prestations complémentaires fournies par les médecins hospitaliers. Là encore, nous tenons à valider nos idées auprès des médecins hospitaliers indépendants. Autre question en suspens : la manière dont les anciennes conditions générales de vente (CGV) des anciennes conventions doivent être traitées. Il s’agit-là d'un point d’achoppement qu’il nous faut encore clarifier avec la Finma.