Après que la Confédération a accordé des prêts au Credit Suisse en mars 2023 pour garantir ses liquidités, le Conseil fédéral a ordonné au Département fédéral des finances (DFF), dans son ordonnance d'urgence du 16 mars 2023, de prendre des mesures dans le domaine des rémunérations conformément à l'article 10a de la loi sur les banques. C'est ce qui ressort d'un arrêt du Tribunal administratif fédéral publié mercredi.

Partner-Inhalte
 
 
 
 
 
 

En conséquence, le DFF a ordonné le 23 mai 2023 à Credit Suisse de réduire ou de supprimer les bonus encore dus - appelés rémunérations variables - à l'échelle du groupe. Ils devaient être supprimés pour les cadres du plus haut niveau de direction, réduits de 50% pour le niveau immédiatement inférieur et de 25% pour le niveau suivant.

Parmi le millier de personnes touchées par cette décision, quelques-unes ont fait recours au Tribunal administratif fédéral (TAF). Ce dernier a rendu un arrêt pilote qui porte sur le recours déposé conjointement par douze intéressés. Quatre autres recours encore pendants sont suspendus jusqu'à l'entrée en vigueur de cet arrêt.

Interdiction illicite

Dans son jugement, le TAF constate que les bonus sont des prétentions garanties par l'employeur en vertu d'un contrat de travail. Ces prétentions contractuelles sont protégées par la garantie de la propriété inscrite dans la Constitution fédérale. Pour des atteintes graves à de tels droits, une base claire et explicite dans une loi est nécessaire.

Or selon le TAF, l'article 10a de la loi sur les banques ne contient pas une telle base. La loi prévoit uniquement que des mesures peuvent être prises pour la période durant laquelle l'aide étatique est accordée. Le libellé de la loi limite l'horizon temporel à la durée de l'aide sollicitée. Ces mesures ne peuvent donc être que de nature temporaire.

Toutes les aides d'Etat accordées à Credit Suisse ont cessé au plus tard le 11 août 2023. Le DFF avait toutefois ordonné que les rémunérations des collaborateurs concernés soient définitivement réduites ou supprimées, donc au-delà de la durée du soutien de l'Etat. Cette mesure est bien plus sévère qu'une interdiction de versement temporaire et n'est pas prévue dans la loi. Vu l'absence de base légale suffisante, le TAF estime que la réduction exigée par le DFF est illicite.

Pas une question de responsabilité

Comme l'explique encore le TAF dans ses considérants, les mesures en matière de rémunérations variables prévues par la loi sur les banques ne constituent pas une sanction pour d'éventuels manquements de la part des employés de la banque bénéficiaire du soutien. La question de la responsabilité des managers concernés n'est donc pas déterminante sur le plan juridique.

Malgré cela, le DFF et UBS, qui a repris Credit Suisse, ont argumenté que la réduction et la suppression étaient justifiées puisque les cadres concernés avaient appartenu aux trois plus hauts niveaux de direction de Credit Suisse. Par conséquent, ils étaient responsables de sa stratégie et de son échec complet.

Ni le DFF ni UBS n'ont pu démontrer concrètement qu'un seul des douze managers aurait, par ses actes ou une omission contraire à ses obligations, pris des risques excessifs et de ce fait, aurait été responsable de la situation financière de Credit Suisse. Aucun des cadres concernés par cet arrêt pilote ne faisait partie des cadres du plus haut niveau de direction de Credit suisse.

Le jugement n'est pas encore définitif et peut faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal fédéral. (awp/hzi/ps)