En matière de prévoyance professionnelle, les projets de réforme font souvent les gros titres de la presse. Or en même temps et presque en silence, le paysage des institutions de prévoyance évolue à toute allure. Rien qu’au cours des dix années écoulées, le nombre de caisses de pension s’est réduit d’un tiers, à 1400 seulement (voir tableau).

Et le processus de concentration se poursuit. On voit disparaître toujours davantage de petites institutions de prévoyance. En revanche, le capital vieillesse s’accumule tant et plus dans des fondations communautaires et collectives qui gèrent désormais près des trois quarts des assurés actifs. Autrement dit, la fragilité des caisses de pension reste élevée.

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«Oui, nous nous attendons à ce que le nombre des institutions de prévoyance continue de diminuer», admet Hans-Jakob Stahel, responsable clientèle entreprises chez Swiss Life (Suisse). Les causes sont multiples, pense-t-il: un changement de génération y contribue notamment, tout comme des tendances à l’internationalisation, des raisons de coûts, la pénurie de salariés spécialisés et des exigences réglementaires complexes.

Prévisions différenciées

Les prévisions quant au rythme de consolidation dans le 2e pilier s’avèrent toutefois très différenciées. Willi Thurnherr, CEO Retirement Solutions au cabinet de conseil Aon, s’attend à ce que le nombre de caisses de pension se réduise à 1200 d’ici à la fin de cette décennie. Il n’envisage toutefois pas pour un avenir proche une situation à la néerlandaise, où elles ne sont que 500.

La professeure Kerstin Windhövel, cheffe du centre de compétences prévoyance à la haute école Kalaidos (voir son interview en pages 4-5), table sur un recul ultérieur des caisses de pension autonomes. «Cela se produira-t-il comme jusqu’ici ou par bonds successifs? Tout dépendra du régulateur.» A son avis, en tout cas, le processus s’accélérera si, inopinément, des directives plus strictes sont adoptées, notamment au niveau des rapports qui constituent une lourde charge pour les petites caisses. «Dans les huit ans à venir, nous n’en serons sans doute pas au niveau des Pays-Bas, mais je peux m’imaginer qu’on arrive à seulement 1000 caisses.» L’expert Hans-Jakob Stahel ne veut pas articuler de chiffres précis: «Mais nous ne pensons pas que le processus s’accélérera.»

Le monde du travail change

Depuis que sont nées les premières caisses de pension dans la deuxième moitié du XIXe siècle – d’abord réservées aux fonctionnaires, enseignants et policiers –, le nombre de celles-ci a grimpé à plus de 17'000 jusqu’à ce que la LPP entre en vigueur en 1985. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les CFF, puis les banques, les assureurs et l’industrie des machines ont été les moteurs des caisses de pension autonomes. Ces fondations de bienfaisance assuraient la fidélité et la stabilité du personnel.

Entre-temps, la globalisation a créé des structures économiques différentes. Fusions et restructurations rendent pas mal d’institutions de prévoyance superflues. Par ailleurs, nombre de petites et moyennes entreprises veulent se concentrer sur leur activité principale. Le travail de leurs caisses de pension autonomes se fait toujours plus complexe et le 2e pilier recèle toujours plus de risques. Il faut une certaine taille pour créer une gestion efficace des avoirs de prévoyance. Pour l’expert Willi Thurnherr, une caisse de pension autonome peut valoir la peine à partir de 300-400 salariés.

Moins de caisses, plus de qualité?

La Suisse compte quelque 600'000 PME. Mais les petites et très petites entreprises, avec moins de dix salariés, dominent. Elles optent en général pour une assurance complète chez l’un des cinq assureurs vie qui subsistent, proposant une sorte de «forfait zéro souci», certes coûteux mais dénué de tout risque d’assainissement.

Cette solution de prévoyance n’est pas spécialement mise en avant par les assureurs, car les risques démographiques et d’investissement sont jugés d’un œil critique. C’est bien pour cela qu’Axa y a entièrement renoncé il y a trois ans. «Pour de petites entreprises et des associations, il est de plus en plus tentant d’abandonner leur fondation propre et de participer à une fondation collective», remarque Thomas Gerber, responsable prévoyance chez Axa.

Des études suggèrent que les grandes caisses de pension peuvent escompter des conditions plus avantageuses en particulier pour les coûts de la gestion de fortune. Question: avec la réduction des institutions de prévoyance, la qualité générale augmente-t-elle? Il faut en tout cas une professionnalisation du système de milice qui a cours dans le 2e pilier. Hans-Jakob Stahel précise: «Il y a évidemment des effets d’échelle pour lesquels la taille d’une institution de prévoyance est déterminante et la qualité aussi.»

En chute libre

Ces dix dernières années, un tiers des caisses de pension ont disparu.

Année / Nombre d’institutions de prévoyance :

2011 : 2099
2012 : 1982
2013 : 1868
2014 : 1788
2015 : 1706
2016 : 1638
2017 : 1568
2018 : 1490
2019 : 1420
2020 : 1434

Source: Office fédéral de la statistique (OFS)