Jean-Daniel Laffely, la phase des taux bas appartient au passé. Pour la Vaudoise l’octroi d’hypothèques vaut-il encore la peine ?

Jean-Daniel Laffely : Les assureurs n’ont pas les mêmes atouts en main que les banques en matière de possibilités de refinancement. Cela nous limite un peu : nous pouvons déclarer au maximum 35% d’actifs liés. C’est la raison pour laquelle la Vaudoise mise depuis un certain temps déjà sur des partenariats, notamment avec Swisscanto, Valiant et Credex. Ce canal de distribution supplémentaire est important pour aiguiller les produits Vaudoise vers la clientèle. Mais il est clair que des taux à la hausse constituent un défi pour la Vaudoise aussi. Il devient de plus en plus compliqué de vendre des hypothèques en premier rang. Avec la hausse des taux, encore moins de gens peuvent s’offrir une maison en propriété. Mais ces derniers temps tous les fournisseurs d’hypothèques ont été affectés dans la même mesure par les changements sur le marché. Il faut ajouter que les hypothèques restent très avantageuses sur le long terme en dépit de la hausse des taux.

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Comment la Vaudoise se débrouille-t-elle avec l’inflation ?

Ces temps nous observons des coûts de réparation plus élevés notamment en cas de sinistres pour les voitures. Nous nous attendons par conséquent à des primes à la hausse pour les assurances casco. Il y aura également des ajustements dans l’assurance indemnités journalières en cas de maladie (IJM). De façon générale, l’évolution des primes reste proportionnelle aux augmentations de salaire. Finalement, des primes plus élevées impliquent des dommages plus élevés mais, fondamentalement, des taux à la hausse s’avèrent positifs à long terme pour les assureurs, car cela leur permet de mettre sur le marché des produits à taux garanti, notamment dans le secteur vie. Dans la gestion d’actifs, c’est plus compliqué : des taux à la hausse entraînent des prix à la baisse, comme c’est le cas pour les obligations.

Cela accroît le risque d’opérations à perte à court terme.

Nous verrons comment l’inflation se répercutera sur le secteur immobilier. Il est difficile de faire des pronostics à ce sujet. Personnellement je trouve correct le cours choisi par la Banque Nationale. Elle a laissé le franc suisse se renforcer, ce qui a limité l’inflation importée. La situation est différente du côté de monnaies étrangères que nous couvrons contre les fluctuations. Aux Etats-Unis, elle est de l’ordre de 4%, en Suisse d’à peine 0,5%. La Vaudoise et d’autres sociétés pourvues d’une stratégie de couverture paient ainsi 3,5% pour couvrir les devises, ce qui est très coûteux en regard des dix années écoulées.

Vous avez affûté votre stratégie. Quelles sont les intentions de la Vaudoise ?

En fait nous avons simplement affiné notre stratégie. Par exemple en termes de valeurs, de vision et de mission. Jusqu’ici, notre objectif était d’être le numéro un de la satisfaction de la clientèle. Nous nous en sommes un peu écarté. Notre vision à long terme consiste à devenir l’assureur prioritaire. Nous souhaitons être perçus comme proches, fiables, humains et proactifs. Nous avons affûté l’accent mis sur les objectifs. Au sein du classement de la notoriété nous aimerions atteindre le 5e rang d’ici à 2025. Côté satisfaction du client, nous voyons un potentiel d’amélioration. Nous occupons actuellement le 2e ou 3e rang, suivant les études. Nous voulons ràduire l’écart qui nous sépare du 1er rang. Les autres étapes du processus stratégique sont la transformation numérique et la réduction des émissions de CO2. La Vaudoise a la ferme intention de satisfaire aux critères de l’Accord de Paris. La durabilité prend résolument plus de poids. Après tout notre marque est verte… Nous avons développé une stratégie de durabilité qui comprend au total treize thèmes et vingt-neuf objectifs. Et la majorité d’entre eux sont entièrement ou partiellement atteints.

Pour la Vaudoise, il est essentiel d’être un employeur durable et motivant qui a valeur d’exemple. Nous attachons une grande importance à la responsabilité sociale des entreprises. Du fait de notre structure coopérative, nous nous engageons notamment beaucoup dans des projets d’intérêt public, à l’instar de l’Aide suisse à la montagne. Mais la Vaudoise se montre également durable dans ses investissements et sa gestion d’actifs. Nous sommes en particulier très engagés dans le travail en commission de l’Association suisse d’assurances, l’ASA.

Côté avenir numérique, que faut-il attendre de la Vaudoise ?

Nous avons par le passé mis davantage l’accent sur les outils, moins sur la transformation. C’est en train de changer. Depuis 2021, l’accent est plus résolument placé sur les plateformes et l’intelligence artificielle, l’IA. Cette technologie intervient notamment dans la tarification, en particulier celle des assurances automobiles. D’ici à 2025, nous prévoyons d’introduire une assurance sur abonnement pour les véhicules. Et dès 2024 la Vaudoise sera le premier assureur suisse à transférer intégralement le règlement des sinistres dans un « gateway-cloud », une passerelle de stockage en nuage. En outre, nous allons mettre en place une plateforme pour la gestion des prospects et le service à la clientèle. Voilà les projets principaux de notre transformation numérique jusqu’en 2025.

On ne cesse de répéter que la numérisation impose des limites aux assureurs. Qu’en pensez-vous ?

Le fait est que dans l’industrie de l’assurance ce sont finalement les clients qui décident de ce qu’ils veulent. Cela implique que les preneurs d’assurance souhaitent en général s’entretenir avec un conseiller. Nous constatons à vrai dire que les assurés font de plus en plus des comparaisons de prix sur des sites spécialisés. Mais cela coince encore au moment de choisir un produit et de le comparer. Sur ce point, nous entendons créer une meilleure expérience client, de la requête jusqu’au paiement en passant par la conclusion du contrat. Aujourd’hui nos produits sont certes bien faits mais encore trop complexes. Nous voulons les simplifier et les rendre combinables de façon modulaire. Là, nous avons encore de quoi faire.

Qu’en est-il de vos plans de croissance, notamment en Suisse alémanique ?

En 2022, nous avons eu une croissance globale de 8% en Suisse alémanique. J’en suis satisfait car elle ne repose pas sur l’activité des courtiers. Environ la moitié de cette croissance est due aux performances de nos employés du service extérieur. L’évolution nous incite à continuer de croître avec le même élan à l’avenir. En 2023, deux nouvelles agences verront le jour en Suisse alémanique. La Vaudoise aura ainsi à peu près autant d’agences en Suisse alémanique qu’en Suisse romande. En plus de ses agences générales, la Vaudoise souhaite renforcer la collaboration avec les courtiers, ses partenaires de distribution Swiss Life et Groupe Mutuel, pour être encore plus proche de ses clients en Suisse alémanique. Mais à cette fin il nous faut davantage de collaborateurs au service extérieur. Tout cela nous réussira uniquement si la Vaudoise parvient à accroître sa notoriété, et cela par le biais d’une communication active.

Le fait est que nous poussons à la croissance dans tous les secteurs, y compris dans les domaines connexes. D’ici à 2025, nous entendons encaisser 100 millions de francs supplémentaires. Avec Berninvest acquis en 2017 et le gestionnaire de fonds Procimmo, nous avons montré que le Vaudois a aussi du succès dans un contexte voisin de l’assurance. Et ça va continuer.