L'initiative sur une 13e rente AVS rejoindra-t-elle la liste des initiatives populaires soutenues par le peuple, mais rejetées par une majorité des cantons? La dernière en date à avoir subi ce sort est celle sur les entreprises responsables en 2020. Douze cantons seront nécessaires pour franchir l'obstacle de la double majorité.

Les premiers sondages donnent en tout cas l'avantage à l'initiative. Lancée par l'Union syndicale suisse (USS) ainsi que des organisations féminines et de retraités, elle demande le versement d'une rente de vieillesse supplémentaire, du même montant que celle perçue chaque mois. Cela correspond à une hausse mensuelle des rentes de 8,3%.

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Aussi à droite

Dans un contexte marqué par l'inflation et une perte de pouvoir d'achat, cette proposition semble séduire bien au-delà du camp de la gauche. Les sympathisants de tous les partis, sauf du PLR et du PVL, seraient prêts à accepter le texte, selon les enquêtes d'opinion.

La base paysanne des partis bourgeois affiche une compréhension certaine pour les difficultés rencontrées en fin de mois par les seniors. Tant l'UDC que le Centre ont d'ailleurs remis la question du pouvoir d'achat au centre de leurs programmes lors des dernières élections fédérales.

Résultat, certaines sections cantonales de l'UDC et du PLR sont divisées ou laissent la liberté de vote, comme le PLR jurassien, l'UDC tessinoise et du Valais romand. L'UDC Genève appelle même à voter oui.

Fins de mois difficiles

«Rarement a-t-on entendu autant de retraités raconter les difficultés qu'ils vivent», a répété tous azimuts le patron de l'USS Pierre-Yves Maillard. Loyers, primes maladie, électricité ou transports publics: les hausses de prix ont fait perdre depuis 2021 l'équivalent d'un mois de rente aux personnes retraitées, selon le conseiller aux Etats vaudois.

Le projet permettrait une hausse de 99 francs de la rente AVS minimale, de 197 francs pour la rente maximale, et de 296 francs pour la rente maximale des couples.

Question à 5 milliards

Aux yeux des syndicats, l'introduction d'une 13e rente est la solution la plus simple. Elle coûterait environ 4,1 milliards de francs lors de son introduction en 2026. Dès 2030, la facture devrait passer à 5 milliards par année.

Les débats se cristallisent sur la question du financement. Les syndicats rappellent que les caisses de l'AVS sont pleines: près de 50 milliards.

L'initiative pourrait donc dans un premier temps être mise sur pied sans autre, dit la gauche. Par la suite, une hausse de la cotisation salariale des employeurs et des employés, de 0,4% chacun, suffirait.

Autre option, la TVA pourrait être relevée de 8,1 à 9,1%, idée que la gauche ne privilégie toutefois pas. La part versée par la Confédération à l'AVS pourrait aussi être augmentée, mais au risque de devoir opérer des coupes budgétaires ailleurs ou d'augmenter les impôts.

Pas d'arrosoir

Au final, il reviendra au Parlement de trancher. La majorité de droite ne veut pas d'une «politique de l'arrosoir», qui profitera aussi à des rentiers qui n'en ont pas besoin. Et si les caisses de l'AVS sont actuellement remplies, c'est grâce aux récentes réformes, qui ont relevé la TVA et éliminé certains privilèges fiscaux des entreprises.

Mais le réveil risque d'être douloureux, ont averti les opposants. En 2031 au plus tard, l'AVS se retrouvera dans les chiffres rouges, même sans introduire une 13e rente. En cause, le vieillissement démographique et l'arrivée à la retraite de centaines de milliers de «baby-boomers». C'est ce qu'indiquent les prévisions de l'Office fédéral des assurances sociales.

Mesures ciblées

Les actifs, les employeurs et les jeunes payeront l'addition d'une 13e rente, assure la droite. Et de défendre des mesures plus ciblées et moins chères. La pondération actuelle des rentes pourrait être revue au profit des plus basses, promettent ainsi deux motions en cours de traitement au Parlement.

La nouvelle ministre des affaires sociales, Elisabeth Baume-Schneider, suit la même ligne. Il n'y a pas de marge de manoeuvre au niveau financier. Il vaut mieux privilégier des solutions adaptées aux personnes qui sont vraiment dans la précarité, en agissant par exemple sur les prestations complémentaires.

«Je ferai des propositions pour une voie médiane» dans le cadre de la prochaine réforme de l'AVS, que le Conseil fédéral doit présenter au Parlement d'ici fin 2026, a promis la socialiste. Qui fait face au peuple pour la première fois, et contre son propre parti qui plus est. (awp/hzi/ps)