L’étude d’AXA sur le marché de l’emploi montre également que deux tiers des PME ressentent la concurrence des grandes entreprises. Et alors que la diversité devient un mot tabou aux États-Unis, les PME suisses en font toujours un de leurs objectifs. Peu de mesures concrètes sont toutefois mises en œuvre.
Les PME suisses sont confrontées à un manque persistant de main-d’œuvre spécialisée, comme l’indique l’étude 2025 d’AXA sur le marché de l’emploi. Cette étude menée auprès des PME a été réalisée pour la quatrième fois cette année, de nouveau en collaboration avec l’institut de recherche Sotomo. Malgré la hausse du chômage, la pénurie de main-d’œuvre reste de loin le principal défi pour les PME: 44 % d’entre elles avaient principalement ou la plupart du temps des problèmes pour pourvoir les postes vacants, tandis que 40 % ont signalé avoir rencontré des difficultés, du moins en partie, pour trouver du personnel qualifié. Seules 16 % des PME n’avaient aucun problème à recruter. Le manque de main-d’œuvre spécialisée est renforcé par les absences du personnel, un problème qui s’est nettement accentué depuis quatre ans. Ce sujet représente l’une des principales difficultés actuelles d’environ un quart des entreprises interrogées. «Malgré l’affaiblissement conjoncturel, le manque de main-d’œuvre demeure donc un problème structurel pour les PME», affirme Michael Hermann, directeur de Sotomo.
Concurrence des grandes entreprises et de l’État
À cela s’ajoute le fait que les PME se livrent une concurrence acharnée pour attirer les talents non seulement entre elles mais aussi avec de grandes entreprises et des institutions étatiques. La pression concurrentielle exercée par les grandes entreprises sur les PME est nettement plus forte que celle de l’État. Ainsi, 67 % des PME se sentent fortement ou moyennement concurrencées par les grandes entreprises, et 50 % par l’État. Si la plupart des PME s’estiment plus attrayantes que les grandes entreprises et l’État pour ce qui est des valeurs telles que l’esprit d’équipe, la considération et une ambiance de travail familiale, les entreprises interrogées pensent au contraire présenter un désavantage par rapport aux grandes entreprises et à l’État pour les facteurs tangibles comme le salaire, la prévoyance ou les possibilités de carrière.
Compétences techniques: très demandées, mais l’esprit d’équipe est un atout
S’il est particulièrement recherché, le personnel hautement spécialisé est difficile à trouver: 83% des entreprises interrogées ont eu des difficultés à trouver des experts avec un haut degré de spécialisation, tandis que 68% ont eu du mal à recruter du personnel dirigeant ou des cadres. En revanche, la plupart des entreprises estiment que la recherche de spécialistes sans expérience professionnelle est plutôt simple voire très simple.
Dans cette même logique, les PME sont d’avis que le manque de connaissances techniques constitue la difficulté de recrutement la plus fréquente. Toutefois, d’autres facteurs jouent aussi un rôle important lors de l’engagement de nouveaux collaborateurs et collaboratrices. La fiabilité du personnel est un critère que les PME (75 %) prennent encore plus souvent en compte, et l’honnêteté compte également au nombre des principaux aspects du choix du personnel pour environ deux tiers des PME. Les compétences sociales et l’engagement au sein de l’équipe revêtent aussi une grande importance (respectivement 55 % et 54 %). En comparaison directe, une plus grande importance est même souvent accordée à la capacité d’intégration dans l’équipe: s’il existe un clivage entre les compétences techniques et l’esprit d’équipe, près des trois quarts des entreprises interrogées (72 %) choisissent les personnes qui présentent les meilleures compétences sociales. Seules 19 % des PME privilégieraient un profil aux compétences techniques les plus fortes mais affichant une compatibilité plus faible au sein de l’équipe. Michael Hermann conclut: «Aujourd’hui, des facteurs dits mous tels que l’intégration sociale dans l’équipe existante pèsent de plus en plus dans la décision concrète d’embauche.»
Diversité: précieux pour l’image, ce critère est peu tangible
Alors qu’aux États-Unis les programmes de promotion de la diversité sont abandonnés sous l’effet de la pression politique exercée par le nouveau gouvernement, les PME suisses maintiennent la diversité sur la liste de leurs objectifs. Quelque 57 % des entreprises interrogées précisent que la diversité au sein de l’entreprise leur tient à cœur. De même, les PME semblent être convaincues que la diversité est un argument convaincant voire un critère de plus en plus important pour leur entreprise. Lors du recrutement de personnel, un tiers des PME interrogées accordent une plus grande importance à la diversité en tant qu’image qu’il y a trois ans; cette part est même de 54 % pour les grandes PME comptant jusqu’à 250 collaborateurs.
Néanmoins, la mise en œuvre concrète de mesures en faveur de la diversité demeure souvent vague: seules 45 % des entreprises ont pris des mesures concrètes de promotion de la diversité, tandis que 55 % renoncent à de telles mesures. Lors du recrutement également, la contribution à la diversité de l’équipe n’a qu’une pertinence limitée et seules 27 % des PME interrogées estiment qu’il s’agit d’un critère particulièrement important. «Dans certains cas, la diversité ressemble davantage à un noble objectif qu’à une stratégie basée sur des mesures concrètes», constate Michael Hermann.
Lorsque des mesures ont été mises en place, elles portent généralement sur le recrutement de jeunes collaborateurs et collaboratrices (23 %). Certaines entreprises appliquent également des mesures dans le cadre de la représentation hommes-femmes: environ 18 % y recourent afin d’accroître la part de femmes dans leurs effectifs, et 10 %, celle des hommes.
Fort pouvoir de négociation des salariés et salariées
Le processus de recrutement demeure donc compliqué pour les PME. En plus de la forte concurrence sur le marché et du manque de connaissances techniques des candidats et candidates, les prétentions salariales exagérées constituent également un obstacle fréquent, en particulier dans le secteur tertiaire, où près de la moitié des PME (48 %) sont confrontées à des prétentions salariales élevées. La pression salariale est un peu moins marquée (31 %) dans le secteur secondaire. En revanche, les entreprises de ce secteur sont plus nombreuses (42 %, contre 32 % dans le secteur des services) à faire face à un problème essentiel: le nombre trop faible voire en l’absence de candidatures à un poste vacant.
De manière générale, le manque persistant de main-d’œuvre a inversé le rapport de force en faveur des salariés: d’après l’étude, deux tiers des PME (63 %) sont d’avis que le personnel dispose aujourd’hui d’un meilleur pouvoir de négociation. Une majorité des PME (69 %) le remarque aussi concrètement dans le comportement de leurs effectifs. Ainsi, environ quatre entreprises sur dix sont confrontées à des prétentions salariales plus élevées, et près d’un tiers des PME note une hausse des exigences quant à une flexibilité accrue des horaires de travail. Ces tendances sont particulièrement répandues auprès des grandes PME: 89 % d’entre elles observent un changement de comportement de leurs collaborateurs et collaboratrices.
Les solutions flexibles sont demandées
Face à ces revendications, les entreprises interrogées privilégient une plus grande flexibilité: plus de la moitié des PME proposent désormais des modèles de temps de travail individuels et des possibilités de travail à temps partiel. En effet, 56 % des entreprises ont assoupli leurs horaires de travail et 50 % leurs taux d’occupation. Des avantages supplémentaires (39 %), de meilleures prestations de prévoyance et prestations sociales (21 %) et des salaires plus élevés (17 %) comptent au nombre des autres mesures mises en place. «Les PME doivent trouver des solutions créatives pour conserver leur attrait auprès du personnel, et la flexibilité constitue un atout essentiel», explique Michael Hermann.
Vision optimiste de l’avenir, mais la relève représente un défi
La plupart des PME envisagent l’avenir avec optimisme: 91 % des entreprises interrogées croient qu’elles existeront encore dans dix ans. La sauvegarde de l’existence de l’entreprise représente toutefois un défi majeur. D’après les entreprises interrogées, les incertitudes économiques (40 %), les nouveaux besoins de la clientèle (35 %) et l’absence de relève (26 %) sont les facteurs qui menacent le plus souvent la survie à long terme des PME. Et 44 % des entreprises interrogées estiment que la recherche d’une solution pour transmettre l’entreprise est compliquée, ce qui prouve que le problème de la relève est bel et bien présent. (AXA/hzi/ps)
L’étude
La série d’études d’AXA sur le marché de l’emploi permet d’éclairer la situation et les perspectives des petites et moyennes entreprises en Suisse. Elle présente les défis auxquels sont confrontées les PME sur le marché du travail suisse et comment elles y font face. Comme les années précédentes, l’étude a été réalisée par l’institut de recherche Sotomo à la demande d’AXA. Pour l’édition de cette année, Sotomo a interrogé un total de 300 PME de Suisse romande et de Suisse alémanique entre le 3 et le 10 mars 2025.