Comment évaluez-vous le marché des assurances pour les entreprises multinationales?
Pour ces entreprises, les défis actuels du marché des assurances se situent principalement dans des hausses de prix et des capacités restreintes, mais aussi dans des couvertures réduites et un besoin d’information accru de la part des assureurs. Ce marché s’est vraiment durci dans les années 2018/2019 et le reste encore aujourd’hui.
Quelles en étaient les causes?
Les causes sont certainement à rechercher du côté de sinistres plus fréquents et plus importants que prévu, et d’une moindre appétence au risque de la part des assureurs, dans certaines classes de risque. Et la pandémie de Covid-19 n’a pas arrangé la situation.
Le chef de résau: Tom Kessler
Age: 40 ans.
Fonction: associé directeur de Kessler & Co SA.
Lieu de résidence: Zurich.
Formation: CAS Insurance Broking (ZHAW), Information Technology & Electrical Engineering (EPF Zurich), MBA (Insead).
Entreprise: Kessler & Co SA
Kessler & Co SA est une entreprise suisse de conseil global en risques, assurances et prévoyance, qui compte parmi sa clientèle plus de 1000 moyennes et grandes entreprises suisses dans les domaines des prestations, du commerce et de l’industrie, ainsi que des pouvoirs publics. Selon le Broker Ranking de HZ Insurance/Schweizer Versicherung, Kessler est la plus grande entreprise de courtage en Suisse. En tant que partenaire suisse de Marsh McLennan, Kessler fait partie, depuis 1998, d’un réseau de spécialistes dans tous les domaines de la gestion des risques, avec une grande expérience dans le suivi de programmes d’assurance internationaux.
Les programmes internationaux d’assurance visent principalement à harmoniser la protection d’assurance à l’échelle mondiale. Est-ce qu’une telle chose est seulement possible?
Une telle démarche est certainement judicieuse et correspond à un besoin. D’une part, afin d’avoir une bonne vue d’ensemble de sa propre situation en matière d’assurance, mais aussi et surtout pour assurer une protection d’assurance homogène à l’échelle mondiale, qui corresponde à la politique de l’entreprise en matière de risques et d’assurances. Le règlement des sinistres s’en trouve également facilité dans les différents pays. Dans les pays concernés, les assureurs établissent pour cela ce qu’on appelle une police locale. Celle-ci est basée sur la police générale, mais tient compte de certaines particularités du marché local.
Que font les assureurs et les courtiers pour s’approcher au mieux de l’objectif d’une harmonisation?
Certains assureurs sont actuellement déjà si avancés qu’ils ont introduit une terminologie en anglais unifiée à l’échelle mondiale pour leurs polices. Bien entendu avec des exceptions concernant des particularités locales imposées par la législation.
Vous travaillez notamment avec des multinationales qui disposent, pour la plupart, de leur propre département d’assurance. J’imagine que la collaboration avec ces entreprises s’apparente plus à une relation de concurrence que de partenariat.
Non, nous ne sommes pas en concurrence; ces entreprises nous mandatent parce qu’elles recherchent notre savoir-faire et notre connaissance du marché, dont elles ont besoin sur la base de la définition des risques spécifiques de l’entreprise. Mais dans tous les cas, il est important d’avoir une répartition claire des tâches entre le département d’assurance de l’entreprise et nous, en tant que conseiller externe.
Comment se présente cette répartition, en règle générale?
Cela varie d’un cas à l’autre. Souvent, nous apportons notre soutien face à des risques difficiles à évaluer ou critiques pour l’entreprise, comme les assurances responsabilité civile professionnelle et responsabilité civile des dirigeants, ou encore dans le cas de solutions d’assurance nouvelles et très dynamiques comme la cyberassurance.
Sur quelle base une entreprise peutelle faire la distinction entre les risques qu’elle prendra en charge ou déduira de son bilan et les risques qu’il vaut mieux couvrir par une assurance externe?
Cette évaluation doit être réalisée individuellement et représente un pas important, généralement le premier, de notre processus de conseil. Nous aidons nos clients à développer une politique de risques et d’assurance spécifique pour leur profil de risques. Nous cernons systématiquement les risques et fournissons ainsi des bases décisionnelles solides pour les risques assurables. Dans ce cadre, l’objectif est de réduire au minimum les coûts totaux des risques pour l’entreprise. La priorité va aux risques de catastrophes susceptibles d’entraîner d’importantes pertes financières.
Avez-vous une influence sur les assureurs, par exemple en orientant la conception ou le développement d’un produit?
Oui, absolument, et nous considérons également cela comme une tâche importante de notre part, dans la mesure où il s’agit d’offrir une protection d’assurance optimale à nos clients. Pour les nouvelles solutions d’assurance comme les cyberassurances, nous avons des échanges intensifs avec les différentes compagnies d’assurances, et nous apportons notre expérience issue des sinistres de nos clients. Un autre exemple est constitué par nos solutions «blue line» très appréciées, notamment par les PME, dans le cadre desquelles nous offrons non seulement une couverture optimale et un prix compétitif, mais optimisons également les processus administratifs entre le client et l’assureur.
L’industrie est régulièrement confrontée à des risques nouveaux, que pratiquement personne n’avait envisagés jusque-là. Comment procédez- vous, chez Kessler, pour suivre cette évolution?
Le plus important est de rester proches de nos clients et de discuter régulièrement des risques actuels. Dans ce cadre, nous nous concentrons sur les différents secteurs économiques de nos clients, afin d’acquérir une connaissance approfondie de leur modèle économique et des risques associés. Les échanges avec notre partenaire international Marsh McLennan, qui compte quelque 76 000 collaborateurs/trices dans plus de 130 pays, sont également très importants. Je suis régulièrement impressionné par les connaissances et l’expérience de cette organisation en matière de risques, de stratégie et de capital humain.
Quelles sont les qualités qu’une conseillère ou un conseiller doivent apporter chez Kessler?
L’orientation clients, de la fiabilité et une grande motivation – ce sont les trois valeurs fondamentales pour tous les collaborateurs/trices de Kessler. En contrepartie, nous proposons un environnement de travail professionnel, qui met l’accent sur les contacts personnels et un travail d’équipe collégial. Les échanges au sein de l’équipe ainsi que des formations continues et des perfectionnements représentent également un atout important.
Il y a longtemps que le modèle économique des courtiers a évolué vers les conseils. Pour les clients entreprises, les affaires transactionnelles devraient également être reprises de plus en plus par des InsureTechs numériques. Partagez-vous cette appréciation?
Oui et non. Les InsureTechs jouent aujourd’hui déjà un rôle pour le transfert direct de risques simples et faciles à standardiser, et le feront certainement encore plus à l’avenir. Dans ce domaine, le besoin de conseils est également nettement moins important que pour les gros clients, ce qui permet aux petits clients de procéder directement au transfert. Le courtier peut aussi, après l’entretien de conseil avec le client, placer le risque sur le marché de l’assurance à travers une solution numérique ou une InsureTech. Pour les risques plus complexes, une séparation entre les conseils et le placement du risque sur le marché de l’assurance me paraît moins évidente. Dans ce cas, il s’agit fréquemment de négociations complexes et de longue haleine avec diverses compagnies d’assurances, ce qui est plus difficile à réaliser dans un processus numérique.
La révision de la loi sur le contrat d’assurance (LCA) entrera en vigueur en 2022. A quelles conséquences vous attendez-vous, par exemple, pour l’assurance responsabilité civile?
L’extension du droit d’action directe dans l’assurance responsabilité civile, que nous connaissons actuellement dans l’assurance RC pour véhicules à moteur, est certainement à relever. Selon ce principe, une personne lésée peut faire valoir son dommage directement auprès de la compagnie d’assurances. Il sera donc possible de régler le sinistre sans passer par le preneur d’assurance, voire, à l’extrême, contre les intérêts de celui-ci.